Dégouté par le football guinéen suite à une annulation de sa candidature à un poste électif à la Fédération Guinéenne de Football, l’ancien international guinéen, Morlaye Sylla Mazo ne voulait plus jouer aucun rôle dans le milieu sportif guinéen. Finalement, la passion du football et les arguments de l’actuel président du Horoya AC, Antonio Souaré ont eu raison de lui. Par amour, le natif de Kindia a pris la présidence du club de sa ville après avoir décidé de mettre de côté la rancune qui lui rongeait depuis plusieurs années. Cependant, tout ne fonctionne pas au sein de son club de coeur comme il l’aurait souhaité. Lisez cette interview.
Guineefoot: Vous êtes le président du FC Gangan de Kindia. Parlez-nous de votre club.
Morlaye Sylla: Comme vous l’avez dit, je suis le président du FC Gangan. Je suis à l’origine de la privatisation de ce club, grâce à l’encouragement d’un de nos frères, monsieur Antonio Souaré. Vous savez, moi j’étais dégoûté du football guinéen à cause de mon choc lié à l’annulation arbitraire, en 2011, de ma candidature à la Fédération Guinéenne de Football. J’avais postulé pour avoir un poste correspondant à mon statut. A cause de cet échec, j’avais décidé de laisser tomber à jamais l’affaire du football de la Guinée.
C’est en 2012, suite à une de mes rencontres avec le grand frère, Antonio Souaré, que je suis revenu sur ma décision. Il m’a dit: tu as toujours joué au football, tu as défendu partout les couleurs de la Guinée. Il est hors de question que tu abandonnes le football.
C’est lui, Antonio Souaré, qui a tout fait pour me ramener au football. Je n’ai pas pris Gangan FC par plaisir. Mais, j’ai pris ce club parce qu’il fait partie de mon histoire. J’ai été formé au FC Gangan de Kindia. Je suis un pur produit de ce club. Avec le FC Gangan, j’ai été finaliste de la Coupe Nationale en 1983, on s’est qualifié, par deux fois, à la Coupe de la CAF. Je suis le premier joueur formé par Gangan FC à avoir porté le brassard de capitaine du Syli National de Guinée.
Quand on m’a dit que le football guinéen va passer à la Ligue Professionnelle, je me suis dit qu’il est de mon devoir de prendre le FC Gangan pour m’affirmer, faire profiter de Kindia, ma ville natale, de mon expérience et de mon savoir-faire. Donc, je suis à la tête du Gangan FC depuis novembre 2014. Actuellement, je suis épaulé par un frère, un ami, le général Doumbouya » Grand D « .
GF: Quels sont vos projets en tant que président du FC Gangan ?
Morlaye Sylla: Nous sommes un club qui vient de remonter en première division. Dans le passé, le FC Gangan fut un grand club en Guinée. Et Kindia fut, pendant longtemps, la pépinière des grands joueurs de notre pays. Je viens de Kindia, tout comme Morciré, Chérif Soulemane, qui a été » ballon d’or », et pleins d’autres grandes figures du football national. Le premier président de la FEGUIFOOT, Amara Camara, vient de Kindia. Le premier arbitre international Guinéen, Abdoulaye Sylla, est originaire de Kindia. Kindia fait partie de l’histoire du football de chez nous. C’est ce passé glorieux qui a motivé ma décision de prendre les rênes du FC Gangan. Mon souhait, et je me battrai pour ça, c’est que Kindia retrouve son prestige d’antan. C’est vrai, nous n’avons pas assez de moyens. Mais, avec le peu de moyens que nous avons, nous allons nous battre pour hisser le FC Gangan au sommet du football de la Guinée.
« Il y’a des gens dans mon entourage uniquement préoccupés par leurs propres intérêts »
GF: Comment allez-vous gérer votre club alors que vous résidez en France ?
Morlaye Sylla: Je ne suis pas en France de mon gré. Je suis là, pour des raisons sanitaires, notamment. Je suis allé récemment en Guinée, et je suis tombé malade. Mon frère et ami, le général Doumbouya » Grand D » m’a dit de rentrer en France et qu’il va diriger le club jusqu’au jour où ma santé me permettra de reprendre mon poste. Le général Doumbouya est un homme de parole. Il a pris un engagement devant ma femme et moi. Il a tenu parole. Actuellement, c’est lui qui gère mon club. Je fais confiance à mon frère, le général Doumbouya.
GF: Quels sont les problèmes auxquels vous êtes confrontés depuis votre arrivée à la tête du Gangan FC ?
Morlaye Sylla: Il y’a pleins de gens qui cherchent à m’abattre. Des gens auxquels, j’avis fait appel pour m’aider à gérer le club. Mon partenaire ( Guinée Games ndlr ), qui m’accompagnait, a compris qu’il y’a des gens dans mon entourage uniquement préoccupés par leurs propres intérêts. Ce qui fait, à un moment donné, le problème de salaire s’est posé. Mais, mon partenaire est en train de résoudre ce problème. Il vient de donner 150 millions de francs guinéens et des équipements. Tout va rentrer dans l’ordre très bientôt.
GF: Vous êtes ancien capitaine du Syli, l’équipe nationale de Guinée. Votre commentaire sur l’arrivée de Luis Fernandez à la tête de la sélection nationale.
Morlaye Sylla: J’ai beaucoup de respects pour Fernandez. Il a été un grand joueur. Mais aussi, un grand entraîneur. Ce qui est un peu dommage, ce sont les conditions qu’il a posées à la Guinée. Quelqu’un qui dit que : moi, j’ai des émissions par ci, des engagements par là, je pense qu’il a besoin de connaître le championnat guinéen. C’est quelque chose qui est normal. Ce n’est pas moi qui décide. Mais, je trouve que ça va être un peu compliqué avec Fernandez. Si c’est moi qui décidait, je sais ce que j’aurais dit. Malheureusement, ce sont les autorités qui décident.
« Nous les anciens footballeurs sommes abandonnés »
GF: Quel regard portez-vous sur le championnat national?
Morlaye Sylla: À mon avis, le niveau du football guinéen commence à être relevé. Parce qu’on y voit la présence de certains joueurs étrangers, mais aussi des entraîneurs étrangers. On voit aussi l’effort de certains homme d’affaires qui ont pris des clubs. C’est-à-dire, ils ont accepté d’investir pour développer notre football. On ne peut pas parler de football sans parler de l’argent. Les deux vont ensemble. Malheureusement en Guinée, ce sont les présidents des clubs qui financent. Il n’ y a pas de retour. Moi, je prône un changement à ce niveau. Il faut forcément que le football guinéen soit libéré. Quand on passera à la Ligue professionnelle, les clubs vont être obligés de générer des profits.
Je pense que le championnat national n’est pas mal. Malheureusement, il faut le reconnaître, le championnat guinéen se joue actuellement entre deux grands clubs qui ont assez de moyens ( Horoya AC et AS Kaloum ndlr ). Je trouve ça dommage. Les clubs modestes aussi ne doivent pas être tenus à l’écart ou marginaliser. Pour avoir un bon championnat, il faudrait que les autres clubs aient les moyens. Il est temps de penser aux clubs modestes. Il faut absolument libéraliser le football guinéen.
GF: Vous êtes le président des anciens sociétaires du Syli National. Quel est l’objectif de cette association ?
Morlaye Sylla: L’objectif de l’association, c’est pour aider le football guinéen. Mais, on a beaucoup de difficultés. Le seul président qui nous a écouté et donné un coup de main, c’est l’ancien président de la transition, le général Sékouba Konaté. Lui, il nous a pris au sérieux, il nous a encouragé. Pour dire vrai, nous sommes abandonnés. Les autorités refusent de collaborer, de nous accompagner. On a toujours demandé un partenariat. Mais, ça n’a jamais marché. L’Etat ne fait rien pour l’ Association des Anciens Joueurs du Syli National.
GF: La Guinée doit jouer contre le Swaziland, le Malawi et le Zimbabwé dans les éliminatoires de la CAN/Gabon 2017.
Morlaye Sylla: Il ne faut pas se tromper. Il faut qu’on se lève. Aujourd’hui, il n’ y a pas une petite équipe. Il ne faut négliger aucune équipe. On a une bonne équipe. Mais, c’est l’organisation qui fait défaut. On doit mettre une bonne organisation autour du Syli National et, en même temps, aider les jeunes pour qu’ils puissent jouer en première division pour qu’on puisse avoir une équipe compétitive.
« Un club qui n’a pas de budget, ce n’est pas un club »
GF: Un message au public sportif guinéen ?
Morlaye Sylla: Je préfère m’adresser aux supporteurs du FC Gangan. Je demande à tous les bons natifs de Kindia d’emboîter le pas d’ Antonio Souaré et de ne pas oublier leur ville natale. Antonio Souaré est un bon fils de Kindia. Si on avait trois à quatre personnes comme Monsieur Souaré, notre ville ne serait pas là où elle est aujourd’hui. Je précise que ce n’est pas Antonio Souaré qui est le président du FC Gangan. C’est moi, Morlaye Sylla, qui suis l eprésident du FC Gangan. Antonio Souaré, en tant que fils de Kindia, m’accompagne.
Le préfet, le ministre, tout le monde sait que je suis le président du FC Gangan. Malheureusement, Kindia est une ville de rumeurs. Je demande à tous les fils de Kindia de me laisser tranquille avec le général Doumbouya » Grand D ». Nous avons de grandes ambitions pour le FC Gangan. Un club qui n’a pas de budget, ce n’est pas un club. Un club qui n’a pas de politique sportive, ce n’est pas un club. Je demanderais qu’on nous laisse travailler.
Que les gens là me respectent. Il faut qu’on me respecte, au moins à cause de mon passé dans le football, à cause de tout ce que j’ai fait pour le football de la Guinée. Tout le monde sait que j’ai été un grand footballeur. Je rêve de devenir un grand dirigeant de football maintenant.
J’envisage de gérer le FC Gangan comme une entreprise. Je profite de votre micro pour remercier monsieur Antonio Souaré. Je ne peux pas faire appel à des gens et que ces derniers, en retour, me poignardent dans le dos. Je n’aime pas ça. Ce que j’ai appris dans le football, c’est ce que je vais mettre dans le football. Je remercie infiniment le préfet, qui a eu confiance en moi. Je remercie aussi Elhadj Karamba qui a pesé de tout son poids dans la balance pour que je sois à la tête du FC Gangan.
Les gens doivent savoir que le FC Gangan n’est plus un club préfectoral. C’est un club privé. Il n’est plus dans les mains de la préfecture. C’est ce que les gens oublient. Le club se trouve dans les mains de Morlaye Sylla » Maso » et du général Doumbouya. Un point, barre.
Ceux qui ont quelque chose à dire sur le FC Gangan n’ont qu’à s’adresser à Morlaye Sylla ou au général Doumbouya. Je remercie mes joueurs. Le FC Gangan, c’est ma vie. Je demande le soutien de tous les enfants de Kindia de bonne volonté pour relever le défi.
» Grand D » et moi, nous n’avons pas les moyens. Nous ferons en sorte que tout Kindia soit fier de nous. Qu’on arrête les polémiques. Même si c’est ton propre fils qui est la tête d’une structure, il faut l’accepter. Ma porte est ouverte pour tout le monde. Je suis quelqu’un de bonne foi. Mais, je veux qu’on me respecte à cause de ce que j’ai fait pour notre football.
On s’est blessé. On a perdu beaucoup de choses pour notre football. Je pense qu’on mérite d’être respecté. Une fois encore, je remercie Antonio Souaré et général Doumbouya » Grand D ».